Espérer le meilleur, vous préparer au pire

Clément MONFORT

Clément Montfort est un brillant réalisateur et journaliste web indépendant d’une trentaine d’années.

Créateur très engagé depuis qu’il a 24 ans mais pas militant par tempérament, Clément Montfort traite dans ses films de l’environnement et de la biodiversité. Son cheminement vers l’écologie, la place de la communication non violente dans sa vie et l’écopsychologie influencent beaucoup son travail.

Son premier documentaire, co-écrit et co-réalisé avec Stenka Quillet, s’appelait « La guerre des graines » ; il traitait de la perte de la biodiversité due à la dépendance des paysans aux cinq grands groupes de semences en France et dans le monde.

Il avoue lui même qu’avant 24 ans, l’écologie, les écosystèmes, la biodiversité ne l’intéressaient pas. La lutte pour le climat restait un concept flou. Jusqu’à ce qu’il tombe sur un article qui parlait d’une banque de graines au Groenland… Et là, c’est le « tilt » poétique et écologique, le début d’un engagement personnel.

Depuis octobre 2017, Clément Montfort réalise « Next » sur YouTube, une série documentaire dont le but est de comprendre les risques d’effondrement de notre civilisation et les manières d’y répondre.

En cela, il a été l’un des acteurs majeurs de l’essor de la collapsologie en France.

Il a également lancé la chaîne « Soigner ».

Un talent intellectuel et humain à suivre…

Nous vous conseillons de lire cet ouvrage éclairant, auquel Clément Montfort fait référence dans sa vidéo, un must read :

Ce que nous apprécions chez lui 

Ce que nous apprécions, c’est d’abord son naturel plein de bienveillance, mais sans naïveté ni bien-pensance standardisées.

Clément est dans l’écologie de la relation avec les autres.

La définition de l’écologie qu’il utilise au quotidien dans son travail, ce serait « développer une relation harmonieuse et respectueuse avec son environnement ». C’est ainsi qu’il a réalisé que la communication non violente c’était déjà de l’écologie entre les humains. Être respectueux dans ses interactions avec les autres, c’est déjà un acte de foi humaniste et écologiste.

Clément est humble, comme il l’a confié à l’excellent site Place to B, il ne se considère ni comme un intellectuel ni comme un expert. Comme il l’avoue, il n’a pas de réponse formelle à donner sur ce qu’est l’écologie  cependant il aime aborder cette discipline complexe sous plusieurs angles différents pour mettre en relief la nature de l’interaction que les êtres humains tissent avec leur entourage.

Est-ce une relation harmonieuse ou, à l’inverse, basée sur la domination ? L’extractivisme, l’industrialisation de la mise à mort des animaux… C’est une relation de domination à son environnement. Aussi, Clément aime-t-il penser l’écologie comme une science ou un art de la relation : « je sais que c’est un peu théorique, mais c’est sous cet angle que je m’y retrouve le plus ».

Selon lui, la communication non violente peut s’appliquer à notre rapport aux écosystèmes.

Clément reste tempérant vis-à-vis des personnes non sensibilisées.

Il juge qu’il faut être tolérant avec ceux qui ne s’intéressent pas à l’écologie, car, jeune, il ne s’en préoccupait pas du tout non plus. Pourtant, il en entendait parler, mais cela ne le touchait pas.

Selon lui, on doit appliquer la communication non violente aux écosystèmes, mais, surtout, à notre rapport aux gens qui ne s’intéressent pas du tout à l’écologie.

Avant de juger, il faudrait utiliser les techniques de la CNV (Communication Non Violente) pour se demander pourquoi la personne en face de nous refuse le dialogue. Pourquoi n’a-t-elle pas envie qu’on lui parle d’écologie ? La CNV nous invite à nous intéresser à l’autre, à nous demander quels sont ses besoins. Ses besoins en termes de communication.

Dans son cas, il s’est intéressé à l’écologie via la peur et le spectaculaire. Il ne faut donc pas rejeter les blockbusters catastrophes d’Hollywood. Par exemple, il avoue lui-même qu’il n’aurait pas regardé les films qu’il réalise depuis six ans.

Une âme de médecin…

À l’origine, Clément voulait être médecin. Accompagner les gens dans l’urgence. Avec « Next », il a un peu l’impression de faire ce boulot-là. Sur sa page Tipeee, il explique qu’une femme lui a avoué qu’elle avait pleuré en regardant les épisodes, car, soudain, elle s’était sentie moins seule.

Le premier public de « Next » est constitué de personnes qui s’intéressent à l’écologie et qui souffrent de l’état de notre planète. Son objectif numéro un avec sa chaîne, c’est donc de faire du bien, d’accompagner, de soulager ces personnes. Celles qui vont assister à des conférences, qui regardent des films sur l’écologie, des documentaires, lisent des livres… Ces personnes qui ne se sentent pas bien au milieu des autres, car elles ne peuvent pas parler des problématiques liées à l’avenir sombre du monde à leurs proches au risque d’être traitées de paranos.

Même lui est concerné par ce problème : il fait un burn-out à cause de l’écologie. En effet, pendant six ans, il travaillé sur le sujet et a fini déprimé. Notamment quand il travaillait sur son documentaire Soigneurs de Terre et qu’un scientifique de l’INRA lui avait expliqué pourquoi les sols étaient en train de mourir. Il a éclaté en sanglots et s’est demandé pourquoi. D’où venait sa tristesse ? Il n’était pourtant pas malheureux ; il était même amoureux. Sa famille allait bien, il était en bonne santé… Mais pas le monde sous ses pieds.

L’écopsychologie…

Il a alors repensé à ce qu’il avait lu quelques mois auparavant sur l’écopsychologie, à savoir que nous avons tous un lien particulier avec la Terre et les écosystèmes. S’ils vont mal, il est normal d’avoir de l’empathie et de souffrir des informations que l’on récolte. L’écopsychologie représente tout un travail sur notre lien au vivant, pour honorer notre peine pour le monde et retrouver de la gratitude pour le vivant. Accepter que nous soyons liés à l’écosystème et qu’il soit tout à fait normal que cela nous apporte son lot de tristesse, car ces problématiques nous travaillent psychologiquement.

Ainsi, il s’est rendu compte que, à titre personnel, l’écologie lui « pourrissait la vie ». Il psychotait, devenait obsessionnel, se prenait la tête pour savoir quoi manger, comment s’habiller, comment voyager pour partir en vacances…

En plus de tous les problèmes du quotidien, il faut vivre avec toutes les injonctions contraires de notre société : on trie nos déchets, mais on boit de l’eau de source en bouteille plastique, car l’eau du robinet est de plus en plus polluée… Or, si on voulait vraiment prendre des mesures radicales, les constructeurs automobiles n’auraient plus le droit de fabriquer de nouvelles voitures et les industriels ou les laboratoires de commercialiser des produits toxiques. On nous demande une chose et l’État fait l’inverse. On vit sans cesse de véritables casse-têtes psychologiques.

Aujourd’hui, c’est donc cela qui l’intéresse : montrer comment faire pour gérer toutes ces contradictions et mieux vivre avec. Aujourd’hui, il va mieux, mais la prise de conscience a été dure. C’est pourquoi il fait des films pour aider ceux qui traversent la même crise éco-existentielle que celle qu’il a traversée.

Next et la collapsologie…

Clément a décidé que son nouveau projet parlerait de l’effondrement. Car, ainsi, l’écologie deviendrait incroyablement tangible et très humaine. On ne parle plus de la disparition des écosystèmes, des plantes, des animaux, mais de la possible disparition de l’humanité en tant qu’espèce et en tant que qualité altruiste.

En cela, Next constitue une websérie documentaire qui pose deux questions : « Qu’est-ce qui nous attend concrètement dans les années à venir ? Et comment s’y préparer psychologiquement et concrètement » ?

On ne parle pas d’un possible changement dans cent ans. Mais bien d’un effondrement en 2020 ou 2030. Aujourd’hui, il est beaucoup question de transition, de changements contrôlés. Les auteurs qu’il filme nous expliquent qu’en réalité ce sera une transition inéluctable et forcée.

La décroissance, on risque de la subir cruellement. Nous devrons vivre dans une société bas-carbone, post-pétrole, brutalement, sans avoir maîtrisé ces changements drastiques. Dans « Next », il se demande donc comment nous y préparer psychologiquement. Comment faire face quand tous les repères de notre société, nos hobbies, nos modes de vie changent drastiquement ? En étant bousculé, on peut céder à des mouvements de panique, car que reste-t-il quand tout change ?

Ce qui l’intéresse dans cette websérie, c’est son aspect psychologique. Elle interpelle. Elle nous oblige à nous demander comment vivre au mieux aujourd’hui en connaissant l’état réel du monde.

Il travaille sur l’écopsychologie, un courant qui décrypte comment les militants et ceux qui sont sensibilisés à l’écologie font pour vivre avec cette idée d’effondrement imminent. Beaucoup vivent des dépressions, beaucoup de tristesse, du désespoir… Il essaie de comprendre comment sortir de ces états négatifs et mieux vivre avec ces concepts.

Cela tombe bien, car apporter des réponses concrètes est une des grandes missions que se donne notre académie.

Aussi, nous rendons hommage au travail formidable et au talent visionnaire de Clément Monfort !

Voici l’une des vidéos diffusées sur « NEXT » :

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